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LA CRITIQUE

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Il faut d’abord disposer, pour pouvoir faire œuvre critique, d’une édition fiable. La première en date est sans doute celle de Musset-Pathay, parue en vingt-deux volumes de 1818 à 1820, et rééditée en vingt-cinq volumes in-8° trois ans plus tard. Rappelons que Victor-Donatien de Musset (1768-1832), plus connu sous le nom de Musset-Pathay, est l’auteur d’un ouvrage intitulé Histoire de la vie et des ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, composé d’après des documents authentiques, paru en 1821, en deux volumes, et qu’il a contribué, par de nombreuses publications, à développer les connaissances relatives à Rousseau. Ce volume, si l’on en croit la célèbre Biographie universelle des frères Michaud, « est l’ouvrage capital de Musset-Pathay. » Avec toutefois une petite restriction : « en louant son zèle et ses talents, on doit convenir qu’il a poussé trop loin l’admiration pour le philosophe de Genève, dont il cherche à justifier toute la conduite. »

Voilà d’ailleurs le thème qui va agiter toute la critique au dix-neuvième siècle : faut-il admirer Rousseau ? Doit-on au contraire se préserver de son influence ? Les mêmes thèmes sont alors inlassablement ressassés : l’abandon des enfants, la vie avec Thérèse, les éventuelles lacunes de la théorie pédagogique et, bien entendu, le domaine religieux, où l’agnosticisme du citoyen de Genève effraie en France les esprits conservateurs, marqués du sceau du catholicisme, et dans sa ville natale les plus intransigeants des calvinistes, lesquels acceptent difficilement la remise en cause du dogme.

 

C’est au début du vingtième siècle qu’on assiste, en France, de manière un peu paradoxale, à une recrudescence des attaques contre Rousseau (alimentées, il est vrai, par les remous de l’affaire Dreyfus) et à une tentative d’analyse plus objective de son œuvre. Gustave Lanson, dans la préface d’un recueil de leçons faites à l’Ecole des Hautes études sociales (Jean-Jacques Rousseau, Paris, Félix Alcan, 1912), écrit ainsi : « Il est absurde de réduire l’étude de Rousseau à sa biographie, et de juger de l’influence de Rousseau par les défaillances de sa vie et les tares de son caractère. » Hippolyte Buffenoir est, à cette époque, l’un des défenseurs les plus acharnés de Jean-Jacques, et s’emploie avec beaucoup d’énergie à diffuser une image positive du philosophe. « Image » est d’ailleurs le mot : Buffenoir est en effet l’auteur d’une imposante étude iconographique sur Rousseau (Les Portraits de Jean-Jacques Rousseau : étude historique et iconographique, Paris, 1913).

 

La création de notre société, en 1904, a quant à elle permis de véritablement stimuler la recherche rousseauiste : la publication régulière des Annales Jean-Jacques Rousseau et la publication de l’édition des Œuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade ont offert aux chercheurs du monde entier les bases scientifiques nécessaires à un travail de qualité. La seconde moitié du vingtième siècle a donné lieu à quelques publications déterminantes : citons bien sûr les ouvrages de Marcel Raymond (La Quête de soi et la rêverie, José Corti, 1962) et de Jean Starobinski (Jean-Jacques Rousseau : la Transparence et l’obstacle, Paris, Plon, 1957, rééd. Gallimard, 1971), mais également ces deux études majeures de la philosophie politique de Rousseau que sont le livre de Robert Derathé (Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Paris, Vrin, 1974) et celui de Victor Goldschmidt (Anthropologie et politique : les principes du système de Rousseau, Paris, Vrin, 1983).

 

La recherche critique sur Jean-Jacques Rousseau concerne aujourd’hui la planète entière.

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